Dire que je suis fan de Dominique A serait un euphémisme. Mais attention, pas de ces fans idiots qui gobent tout sans esprit critique. Qui tracent toute nouvelle de leur star préférée dans une idôlatrie saumâtre. Non. Plutôt une fan qui respecte l’œuvre. Tant elle lui a apporté. Tant elle l’accompagne dans tous ses pas depuis une bonne vingtaine d’années. Depuis ce Courage des Oiseaux toujours autant d’actualité. Et quiconque a approché de près un jour l’artiste, a forcément été touché par son humanité, par son humilité. Tout ce qui transpire déjà dans son œuvre. Ces tranches de vie amènes ou amères, ces ratés du quotidien, ses désirs profonds, ses drôleries aussi. Et même ses hommages à ses propres hymnes pop, souvent dans un anglais approximatif mais toujours touchant. Car l’artiste a bon goût. Et ce n’est pas pour rien si en plus de vingt ans il en a suscité des vocations. Avec cette plume impeccable, ce phrasé si personnel et ce vibrato d’exception.
Éléor, onzième opus d’un parcours pas toujours sans faille mais allant toujours de l’avant, ne tranche pas avec sa discographie. Car Dominique A n’est pas homme à donner dans la rupture brute. Plutôt à nous offrir cette continuité mélodique, ces émotions intactes, constamment renouvelées et pourtant toujours aussi remuantes, touchantes. Un peu comme s’il vivait parfois dans nos têtes, que ses paroles s’adressent à nous en direct et que l’on se sente emporté par ce flot de sensations et de cordes langoureuses.
Avec Éléor, Dominique A nous emmène en voyage ; un voyage doux, tendre qui donne une forte envie d’ailleurs. Car Éléor tire son nom du doux phénomène des micro-nations, ces États parfois fantasques, souvent farfelus mais aussi porteurs de valeurs et de messages d’une humanité débordante. Encore.
Pas étonnant que Dominique A s’y soit laissé embarquer. Et parvienne à nous emmener aussi subtilement dans sa barque. Cette barque qui nous est déjà si familière, cette barque dont on envie les rivages qu’elle nous fait atteindre, cette barque qui contient tout ce que Dominique A a déjà produit et qui pourtant n’a de cesse de nous émouvoir.
Éléor compte de belles magnificences : le titre-phare Éléor tout d’abord, qui résonne telle une incantation que l’on croit connaître depuis toujours ; ou le sublime Au Revoir Mon Amour. Du très beau Cap Farvel, qui introduit l’album, à l’agité Central Otago qui l’on verrait bien lui aussi en single en passant Par le Canada, les ondes subtiles de Nouvelles Vagues ou de L’Océan, ou cette vibrante Semana Santa, Dominique A reste éternellement séducteur dans le flot comme dans l’écrit.
Dominique, tu me donnes envie d’Une Autre Vie… et tu la chantes si bien.
Ses belles images littéraires se glissent en nous comme si elles y avaient toujours existé. Et on s’y laisse inviter comme un hôte peu pressé, prenant le temps d’observer ces histoires d’amour entraînantes, de se laisser guider dans l’aventure d’une vie, qui est aussi un peu la nôtre. Tant on s’est approprié cet univers. De ceux qui ne nous quitteront jamais (référence au romantique titre Celle qui ne me quittera jamais dans cet album).
Un univers pour autant toujours susceptible de toucher les non-initiés, tant l’écriture est, une fois encore, si belle et soignée.
« Quand de tout vous serez lassés, juste un canal à traverser, rejoignez-moi à Éléor
Avant que la vie ne se défile, avant de gagner l’autre bord, rejoignez-moi à Éléor »
Moi j’y suis déjà, je m’y enfuis déjà. Fan vous avez dit ?
Et pour le plaisir, regardez le concert de Dominique A interprétant cet album à l’auditorium de Radio France, accompagné d’un orchestre à cordes : http://concert.arte.tv/fr/dominique-dans-lauditorium-de-radio-france